Naomi Gilon
RÊVER D’OMBRE
ET DE LUMIÈRE
08.JAN.2025
RÊVER D’OMBRE
ET DE LUMIÈRE
08.JAN.2025
Les monstres—monstrare— les créatures, âmes qui vivent dans
les objets, transparaissent sous ses mains : la bête vrombit toujours sous le capot et l'objet n'est qu'une peau, une mue avant leur éclosion au monde. Aujourd’hui, on retrouve encore tous les arpentages de sa recherche, qui ne cesse de contaminer l’espace au-delà du tangible. Ses figures sont à la lisière du common-collective mass-culture, chimères intimes en gestation perpétuelle dans les corps, s’expriment par les formes que Naomi précise avec une grande acuité. Elles menacent de s’exorciser d'elles-mêmes de nos imaginaires, façon Alien. Nous sommes hôtes malgré nous de créatures dont nous sommes le produit, qui nous hantent autant que nous en ignorons les effets.
Les mains, motifs récurent dans la pratique de Naomi, ont à leur première occurrence d’abord agit en tant que structures pour d’autres objets, un peu à la manière des pattes d’animaux supportant le poids de meubles bourgeois. Elles semblent être l’incarnation directe des mains dont j’aurais imaginé enfant qu’elles sortent du dessous de mon lit pour attaquer ma jugulaire, et pourtant, aucune représentation ne laissait une trace aussi claire de leur forme avant que Naomi ne leur donne vie—ces mains avaient déjà envahi nos imaginaires collectifs, s’y figuraient en creux, mains elles-mêmes amalgames des divers détails représentés au travers de biens culturels mainstream ou de niche ; dont aucune n’est aussi fidèle à nos songes que les mains des créatures de Naomi. Et comme dans les meilleurs films d’épouvantes, les mains suggèrent la créature que nous manquons à dépeindre trop précisément, juste assez subjugué·es pour ne pas lui donner de visage : lui donner vie et risquer de s’y reconnaître.
Et aujourd’hui, c’est la baby shower. Une occasion de s’attarder sur les personnages qui prennent vie sur la porcelaine, qui nous tendent à leur tour le miroir de nos propres contradictions. Le bébé, la porcelaine, la fragilité même et la gestation du monstre ou la création de son innocence ; comme pour les magical girls : la magie opère, devient réelle, elle s’immisce dans le quotidien et porte sur le monde sa version nouvelle. Un genre de puissant LSD.
Sous l'enchantement des objets, l'invitation aux rêves pour le monde. Une gymnastique d'identification et de résistance, par l'émulation de notre imaginaire collectif au-delà du cérémoniel contemplatif. Pour rêver encore, concrètement, transformer la plateforme qui nous réunit aujourd'hui, déplacer nos carcans sociaux, se recon-naître dans d'autres représentations que les rôles qui nous sont attribués au dehors de celle-ci. S'autoriser à la rencontre de ces figures vivantes, épouser leurs ambivalences.
Au travers de ces divers personnages, Naomi nous invite à assumer nos ambiguïtés fondamentales, car en elles résident une force vibrante, la démultiplication de nos rêves, et nos raisons d'agir à leurs égards. Ces paradoxes produisent un goût incomparable, et demandent d'embrasser totalement nos propres vérités contradictoires—
la vérité de l'ombre
et de la lumière
la vérité de ma solitude
et de ma liaison au monde,
la vérité de ma liberté
et de ma servitude,
la vérité de mon insignifiance
et de la souveraine importance
de chaque être vivant
de tous les êtres vivants
la vérité de la vie
et de la mort
—
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Naomi Gilon, Le Pierrot, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024
Naomi Gilon, L'Arlequin Alchimiste, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024
Naomi Gilon, Les Siamois, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024
Naomi Gilon, Le fou visionnaire, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024
Jimmy Gilon, réalisation et façonnage des éléments de scénographie en bois
Un multiple est édité à l'occasion de l'exposition : choisissez parmi les personnages lequel vous représente le mieux d'après les caractéristiques décrites par Naomi, et demandez votre exemplaire de sa carte.
ANALOG PHOTOS Eléonore Bonello & Delphine Schockert
Impressions des cartes et du texte d’exposition par Eléonore Bonello
Le bar a été assuré par Eléonore, Tilde et Renaud
Des fleurs ont été offertes par Renaud
Analog photos door Delphine Schockert